Albert Lecup, écrivain-ferrailleur

C’est ainsi qu’il se décrit lui-même.
Albert Lecup est membre de l’Association des écrivains combattants, fondée en 1919 par 80 écrivains survivants de la Grande guerre, pour honorer la mémoire des centaines d’auteurs tués lors de ce conflit.

En 1974, il publie un premier ouvrage, Avant le dernier cantonnement (Imprimerie Centrale de l’Artois). Il a 83 ans et souhaite écrire ses mémoires.
Dans ce livre, il raconte notamment ses souvenirs de la Grande Guerre. Il décrit, dans un style brut et un peu provocateur, son quotidien, les relations avec la hiérarchie militaire, et la violence des combats.
En février 1916, il est au village de Douaumont. Il y sera blessé et gardera de terribles souvenirs de ces quelques jours (p. 71) : “Pas un cri, la mort partout. Nous sommes ballotés par le souffle des éclatements. Inoubliable bombardement qu’aucune plume ne peut décrire.(..) La neige est rouge de sang. Je me déplace dans ce charnier et je puis dire que je suis le seul à marcher. Que de tués! Que de blessés!”.

Le livre évoque également la Deuxième Guerre mondiale et la vie difficile des arrageois pendant l’occupation.
Enfin, Albert Lecup raconte, à travers de nombreuses anecdotes, ses quinze années passées à la mairie d’Arras comme conseiller municipal et opposant de Guy Mollet.

Le premier ouvrage d’Albert Lecup est un succès. Quelques années plus tard, il décide de reprendre la plume, cette fois-ci pour raconter sa vie avant son incorporation. Au crépuscule de ma vie est publié en 1977 (Imprimerie centrale de l’Artois). Il décrit cette fois son enfance, passée à Bapaume, dans une famille très modeste, le courage de sa mère, qui travaille dur pour élever ses sept enfants.
Dans la deuxième partie de ce livre, il revient également sur la parution de son premier ouvrage. Il partage des articles de presse et des extraits des lettres de ces lecteurs. Un article de la Voix du Nord, daté du 16 juin 1974, présente l’auteur en ces termes (p.57): “L’un des enfants terribles de notre cité, et, sans conteste, le plus populaire des Arrageois contemporains: Albert Lecup “classe 1911”, vient d’apporter sa contribution à l’histoire de sa petite patrie (…).”

Son troisième livre, Arras sous les bombardements de 1944, est publié en 1979 (Imprimerie Centrale de l’Artois).
Comme son titre l’indique, il relate en grande partie les bombardements alliés qui ont ravagé la ville d’Arras à partir du 27 avril 1944 et jusqu’à la Libération. Albert Lecup, qui a pris soin de noter les différentes attaques dans un carnet, nous raconte la vie des Arrageois, désormais rythmée par les alertes et les bombardements, pendant lesquels les habitants courent se réfugier dans leurs caves ou abris.
Son récit se concentre sur son quartier, celui de la gare, cible des attaques et notamment les rues Bergaigne, Lenglet ou d’Achicourt où il possède magasin, entrepôt et maisons, mais aussi son chantier cour gare, qui sera ravagé par les flammes.
Alors qu’il était dans la rue avec d’autres habitants du quartier, ramassant des tracts jetés par des avions alliés, les premières bombes sont lancées (p.13): “Les personnes qui m’accompagnent rentrent dans mon magasin et c’est la dégringolade à la cave où nous nous plaquons au sol. Le jet de bombes suit la progression des forteresses. De très fortes explosions se succèdent et quelques-unes, proches de nous. Les soupiraux de ma cave sont projetés violemment et tout l’immeuble semble se soulever.” Le calme revenu, Albert constate les dégâts: “Les baies de la façade n’existent plus et toute la quincaillerie, tordue, est ratatinée dans les coins. Le souffle puissant a fait écrouler le mur séparant le magasin de la cuisine.”

En attendant la Libération, il assiste, impuissant, à la destruction de son entreprise. Au quotidien, à l’aide de ses ouvriers, il déblaie et essaie de sauver ce qui peut l’être. Le soir, il rentre à Saint-Laurent où il possède une petite maison, dans laquelle la famille s’est réfugiée pour se tenir éloigner des bombes.
Au-delà des bombardements, Albert Lecup souhaite raconter, et notamment aux jeunes générations, la vie sous l’occupation.

Par ses écrits, Albert Lecup a souhaité transmettre aux plus jeunes le récit de l’horreur des guerres et la vie sous l’occupation. Pas écrivain de formation, Albert a su sortir du cadre pour se découvrir une vocation sans jamais oublier d’où il venait : écrivain-ferrailleur.